Les impacts de la Loi Avenir sur les certifications professionnelles

Les impacts de la Loi Avenir sur les certifications professionnelles

La Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et ses décrets d’application ont profondément bouleversé le secteur de la formation professionnelle. De l’entrée en vigueur de la certification Qualiopi, au nouveau schéma de financement via l’URSSAF ou encore l’utilisation du CPF pour les formations dites certifiantes. Sur ce dernier point, les exigences pour rendre une formation certifiante sont désormais appliquées, voire durcies.

Alors qu’un certain nombre de certificateurs se préparent au renouvellement de leur inscription au RNCP ou RS, on dénombre d’ores et déjà beaucoup de refus, notamment dans le secteur des langues. Quels sont les impacts de la Loi Avenir sur les certifications professionnelles et sur les OF ?

Sommaire:

  • Qu’est-ce que le RS et le RNCP ?
  • Pourquoi proposer des formations certifiantes ?
  • Quels sont les critères d’examen des demandes ?
  • Quels impacts pour les organismes certificateurs ?
  • Que se passe-t-il sur le marché des certifications en langues?
  • Quelles leçons en tirer ?
  • A quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Qu’est-ce que le RS et le RNCP ?

France Compétences a la charge d’examiner et d’approuver ou non les demandes d’inscription au répertoire selon des critères fixés par des décrets.  Ce processus garantit que la formation inclut toutes les compétences nécessaires pour exercer une activité professionnelle. Ce répertoire comprend :

Le Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) 

Le RNCP recense tous les titres et les diplômes à finalité professionnelle, c’est-à-dire les formations « métier ». Il regroupe également les VAE (ou Validation des Acquis de l’Expérience).
Notons également la définition donnée par le guide RNQ :
« Certification professionnelle : Les certifications enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) sont appelées « certifications professionnelles ». Elles permettent une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l’exercice d’activités professionnelles (article L. 6113-1 du Code du travail). »

Trois types de certifications sont disponibles via ce registre :

  1. Les diplômes délivrés au nom de l’Etat, sous la responsabilité des ministères et des partenaires sociaux. Ces diplômes y sont inscrits de droit.
  2. Les titres à finalité professionnelle, délivrés par des organismes en leur nom propre. Les organismes de formation doivent faire une demande pour y être inscrits. Cette dernière devra être validé par la Commission de la Certification Professionnelle pour s’assurer qu’elle remplit tous les critères.
  3. Les certificats de qualification professionnelle (CQP), délivrés par les branches professionnelles en leur nom propre. Ces certificats répondent aux besoins de qualification spécifiques repérés par les branches professionnelles. Ils y sont inscrits sur demande tout comme pour les OF, après avoir reçu un avis conforme.

Ces titres et diplômes sont définis notamment par un référentiel d’activités qui décrit les situations de travail et les activités exercées, les métiers ou emplois visés, un référentiel de compétences qui identifie les compétences et les connaissances, y compris transversales, qui en découlent et un référentiel d’évaluation qui définit les critères et les modalités d’évaluation des acquis.
Les certifications professionnelles inscrites au RNCP sont constituées de blocs de compétences, ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l’exercice autonome d’une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées. 

Le Décret n° 2019-14 du 8 janvier 2019 définit le « cadre national des certifications professionnelles selon lequel est établie la classification, par niveau de qualification, des certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), en fonction de critères de gradation des compétences déterminés au regard des emplois et des correspondances possibles avec les certifications des Etats appartenant à l’Union européenne. »


Le Répertoire Spécifique (RS) :

Le RS regroupe, quant à lui, les compétences complémentaires aux certifications professionnelles. Les certifications sont enregistrées pour une durée maximale de cinq ans et incluent :

  1. Les obligations réglementaires.
  2. Les certifications de compétences transversales.
  3. Les certifications complémentaires à un métier.

Lors de la constitution du dossier, un référentiel de compétences est demandé. Il décrit un ensemble homogène de compétences spécifiques à un domaine professionnel ou ayant un caractère de transversalité, en cohérence avec l’exercice d’une ou de plusieurs activités professionnelles identifiées. Le projet est élaboré à compter de l’analyse des besoins  du marché, des métiers en forte évolution ou émergents. Il est étayé sur la base de données économiques et sociales avérées, si besoin complétées par des enquêtes auprès des professionnels du secteur concerné.

Dès lors qu’une certification est validée, cette dernière peut être utilisée pour venir sanctionner une formation ou VAE, la formation devient alors éligible au CPF.


Pourquoi proposer des formations certifiantes ?

Depuis la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel « Loi Avenir », les financements de la formation professionnelle sont fléchés vers les « formations certifiantes ». En effet, les  dispositifs de financement que ce soit pour le CPF, la professionnalisation ou encore l’alternance, sont conditionnés au fait que la formation doit être « certifiante » pour pouvoir accéder à ces financements.

Pour les organismes de formation, rendre ses formations certifiantes est désormais un axe stratégique. En effet, il permet notamment de :

  • Rendre votre formation éligible aux financements de la formation professionnelle (CPF, Pôle Emploi, etc.) ;
  • Asseoir votre notoriété et votre expertise tout en maximisant votre visibilité grâce au référencement par un organisme certificateur (à la suite d’un partenariat) ;
  • Vous appuyer sur un processus de certification clair et défini, parfois en améliorant votre démarche qualité (vos process de certification sont définis par votre partenaire certificateur) ;
  • Développer vos capacités d’ingénierie en certification professionnelle et rester libre ;
  • Attirer des apprenants et partenaires OF pour développer votre chiffre d’affaires.

Quels sont les critères d’examen des demandes ?

Le dépôt du dossier se fait de façon dématérialisée, via le site de France Compétence. Il faut alors compter un délai de 7 mois, entre le dépôt et le passage en commission.

L’examen des demandes se base sur neuf critères :

  • L’adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle
  • L’impact du projet de certification en matière d’accès ou de retour à l’emploi
  • La qualité des référentiels d’activité, de compétences et d’évaluation
  • La mise en place de procédures de contrôle de l’ensemble des modalités d’organisation des épreuves d’évaluations
  • La prise en compte des contraintes légales et réglementaires liées à l’exercice du métier visé par le projet de certification professionnelle
  • La possibilité d’accéder au projet de certification professionnelle par la VAE
  • La cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d’évaluation
  • Le cas échéant, la cohérence des correspondances totales ou partielles mises en place avec des certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification et leurs blocs de compétences
  • Le cas échéant, les modalités d’association des commissions paritaires nationales de l’emploi

Le traitement des demandes se fait en quatre étapes :

  • Examen de recevabilité du dossier
  • Affectation puis instruction du dossier
  • Programmation de l’ordre du jour et délibération de la commission
  • Notification de la décision

Quels impacts pour les organismes certificateurs ?

Chaque certification a une durée qui découle d’une décision d’enregistrement dans la limite de 5 ans. Par ailleurs, certaines certifications de l’ex-Inventaire avaient été reprises automatiquement dans le Répertoire spécifique. Ainsi, plusieurs certifications inscrites avant le texte de Loi, sont arrivées à échéance au 31/12/2021. Passée la date d’échéance, la certification devient inactive et n’est plus enregistrée au RS ou RNCP. Les organismes certificateurs doivent alors procéder à un renouvellement via le dépôt du dossier conformément aux nouvelles règles.   

Les organismes de formation doivent alors s’assurer que les certifications utilisées avec les partenaires sont validées. A défaut, les formations ne pourront plus être finançable dans le cadre des dispositifs tels que le CPF, entre autres.


Que se passe-t-il sur le marché des certifications en langues ?

Le marché des certifications en langues est l’un des plus touchés par ce nouveau bouleversement. En 2021, il y avait une vingtaine de certificateurs actifs. Il s’agit donc d’un marché concurrentiel qui fonctionne principalement via le partenariat. Chaque certificateur compte un grand nombre de partenaires qui préparent leurs apprenants à la certification via leurs actions de formation. Notons toutefois, que les organismes de formation doivent figurer en tant que tels, sur le site de France Compétences et que les organismes certificateurs doivent s’assurer que leur certificat est utilisé dans les règles de l’art. L’année 2021 à été une année où beaucoup d’abus ont été réalisés via le CPF.  

A ce jour, France Compétences a déjà accepté ou renouvelé les certifications de cinq certificateurs (Lilate, TOEIC, LanguageCert, CLES et Anglais Santé), et a refusé le renouvellement de cinq autres. Il s’agit de Pipplet, TOEFL, TOEIC Bridge, Level Test et Bright/Bliss, anglais aéronautique.

Parmi les certificateurs qui ont vu leur renouvellement refusé, Pipplet se veut rassurant et indique être en discussion avec France Compétences pour réexaminer leur dossier. Ils ont annoncé que la commission de France Compétence s’est réunie le 5 janvier, et certaines de leurs certifications devraient être à nouveau éligibles dans les prochains jours. Ce ne sera pas nécessairement le cas pour toutes les langues sanctionnées par le test Pipplet, et il faudra donc se renseigner sur les certifications effectivement validées.

Par ailleurs, à cause de trop nombreux abus de la part des prestataires en 2021, le groupe Lingueo, qui possède la certification Lilate, indique ne plus accepter de nouveaux partenaires, bien que la plupart de leurs certifications soient renouvelées. Ils publieront bientôt les nouvelles conditions de partenariat, qui seront pensées pour assurer la bonne qualité des actions de formation et le contrôle des centres agréés à préparer aux certificats.


Quelles leçons en tirer ?

Outre le durcissement des critères de validation, on peut remarquer que des certificateurs pourtant majeurs sur le marché de la formation en langues, tels que TOEFL ou TOEIC Bridge ont vu leur renouvellement refusé. Cela montre que tous les certificateurs doivent faire attention à respecter les critères dans la durée, et à faire les vérifications et mises à jour nécessaires en amont du renouvellement. L’inscription au RS ou RNCP est complexe et difficile, il s’agit d’efforts constants, dans la même lignée que les efforts pour maintenir la certification Qualiopi.

Par ailleurs, le marché des langues a, comme mentionné précédemment, souffert de nombreux abus. Le renouvellement d’une certification dépend également de l’usage qui en est fait par les prestataires. Il est essentiel que les partenaires respectent les exigences. Suite à ces abus, on peut s’attendre à une augmentation du nombre de contrôles effectués par les différents acteurs, dont France Compétences et le CPF mais également les OPCOs, par exemple. Ces contrôles plus fréquents peuvent également s’accompagner d’une baisse de la tolérance en cas d’erreurs ou d’abus involontaires.

Ainsi, la Loi Avenir et les nouvelles exigences poussent vers une diminution du nombre de certificateurs, ce qui est cohérent avec les autres mesures telles que la certification Qualiopi désormais obligatoire pour bénéficier des fonds publics et mutualisés. A l’avenir, les OF qui souhaitent bénéficier des financements et de la notoriété et visibilité qui les accompagne devront redoubler d’efforts pour proposer des actions de formation et des certifications solides, stables et durables.


A quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Au vu de la situation du marché des langues et du durcissement des exigences, il paraît probable que le même schéma se répète dans d’autres secteurs. Il est probable qu’un certain nombre de certifications ne soient pas renouvelées, et que les organismes de formations aient plus de mal à rendre leurs actions de formation certifiantes ou éligibles au CPF.

Par ailleurs, le budget des OPCOs se réduit de plus en plus, et il n’est pas impossible qu’ils choisissent de privilégier les actions de formation certifiantes. Dans ce cadre, il est essentiel pour les OF et les certificateurs de se préparer dès maintenant au renouvellement des certifications et de ne pas hésiter à se faire accompagner par des experts.


Ressources